La porte s'ouvrit lentement, sans un bruit. La nuit était belle ce jour-là, la lune était la moins lumineuse possible. C'était la nuit du crime. Quel romantisme ! La Valkyrie entra dans la maison. Elle en reconnut les couloirs, elle en reconnu l'odeur.

Elle était vêtue d'une tenue noire. Ayant laissé Rubis et son bouclier à l'auberge où elle résidait, elle avait gardé un long manteau peu épais, très long, qui était assorti avec le foulard noir qui couvrait son oeil manquant. C'était une tenue élégante, féminine, et discrète. Dans tous les cas, elle passait bien plus inaperçu qu'avec sa tenue en peau de bête crevée.

Signe rangea son kit de crochetage - odieusement volé à Rubis pendant la nuit, malicieuse petite créature, et traversa le couloir, très lentement, pour ne faire aucun bruit.

La Valkyrie comptait quitter Dangshuan. Ses actions passées ici avaient attiré trop l'attention et le Grand Silice finirait rapidement à savoir qu'elle trainait encore ici - et viendrait l'éliminer. Elle allait fuir vers l'ouest, échapper aux griffes de ses poursuivants et retrouver sa soeur.

Mais elle avait encore quelque chose à régler. Celle qui l'avait empêchée de dormir. Celle qui avait estropié son corps, celle qui l'avait affaiblie, autant mentalement que physiquement. Celle qui hurlait dans son sommeil pour la réveiller, en sueur, cherchant à retirer la corde qui enserrait son cou. Celle qui sapait peu à peu sa santé mentale.

Elle savait où la trouver. Elle s'était promis de ne pas chercher une vengeance futile, mais Signe savait que si elle voulait retrouver le sommeil un jour, elle devait être face à celle qui hantait ses nuits et régler ses comptes.

Corine.

C'était écrit sur la porte. La Valkyrie y entra. Sortant un collier anti-magie, le même que cette dernière avait utilisé sur Ema, elle finit par se diriger vers le lit où sa tortionnaire dormait paisiblement. De son autre main, elle sortit un flacon de somnifère qu'elle s'était dégottée chez un apothicaire de la ville et un mouchoir.

Et elle plongea la jeune femme dans un sommeil encore plus profond que dans lequel elle se trouvait, assurant le collier autour de son cou. La bombe était désarmée. Signe jeta le drap sur le côté, et prit le corps inanimé sur son épaule comme un sac à patate.

Elle se dirigea ensuite vers la sortie, et discrètement, profita de l'obscurité de la nuit noire pour se glisser jusqu'au lieu de culte étrange qu'elle avait trouvé le jour où O'Malley fut devenue un vampire. Elle retrouva l'entrée de cet endroit, et se glissa dedans. Rouvrant l'entrée de la crypte, elle se déplaça à l'intérieur.

En cherchant un manoir pour Ambre, elle avait trouvé une sorte de bar underground abandonné depuis de nombreuses années. L'endroit n'était pas difficile d'accès dans les cryptes, mais Signe le connaissait suffisamment bien pour savoir que personne n'allait les déranger, ou entendre des cris.

La Valkyrie avait préparé le terrain. Elle installa confortablement Corine sur une lourde chaise métallique, attacha ses chevilles et ses poignets.

Elle prit une autre chaise qu'elle installa devant, et alla se servir d'une bouteille de whisky non touchée qu'elle avait trouvé dans une réserve cachée sous le bar. Un grand cru d'une époque oubliée. C'était quelque chose qui allait donner un côté cérémonial à la justice qui attendait la jeune femme.

Servant deux verres, elle les posa sur une table près de sa chaise, puis vint s'y asseoir.  Elle espérait qu'elle n'avait pas tué la jeune femme en dosant trop le somnifère. Bah.

Signe avait le trac. Elle avait l'impression d'être dans une grande scène, s'apprêtant à jouer la pièce de sa vie. Lorsque la jeune femme se réveillerait, elle lui dirait :

- Surprise.

Ou quelque chose du genre. Elle ne savait pas encore. Signe avait préparé du matériel, toutes sortes de choses pour la bâillonner... mais elle voulait parler entre amies avec elle encore un petit peu.

Elle culpabilisait d'avoir fait mal à Ema, mais rien pour elle, oh non, rien pour elle. Trop tard... trop tard ?

C'était trop tard. Ne pas toucher à sa fille... Signe eut un vil sourire. Ce qu'elle dit après fut tout à fait juste. Elle avait raison. Mais c'était une façon très piteuse de réclamer sa vie... elle le pensait certainement. Elle était vraiment complètement en train de dépérir.

Quel intérêt à la torture si la personne en face n'avait aucune envie de vivre ? Celle-ci en plus cherchait à l'amadouer, s'inquiéter pour elle, pour son oeil. Signe devait-elle lui dire ? Allait-elle se calmer en lui racontant ?

Bah. Tremblante, elle essaya d'expliquer.

- Un des hommes qui a tué mon père, il y a pas si longtemps que ça. Des gardes m'ont ouvert une aile en deux. Ca c'est cicatrisé mais la sensation en volant n'est plus la même qu'avant. Tu vois quand tu planes, ce sentiment de bonheur où tu sens l'air passer sur toi sans aucun accroc, cette sensation d'évoluer dans l'air comme une flèche ? Moi ça tremble, ça vibre. On dirait pas comme ça mais ça ôte pas mal l'envie de vivre, d'avoir des turbulences quand tu voles calmement. Non, mon oeil, on me l'a crevé. Un ami d'enfance... oh, Valor était l'ami d'enfance de mon père. Ma tribu m'a trahie, a recruté des mercenaires qui ont crucifié ma chère Rubis... O'Malley. Dans une clairière en plein soleil, alors que c'est une vampire. Je l'ai sauvée mais elle a beaucoup souffert. Je me vengerai. Je traquerai ces types et je les dégommerai. Mais j'aime bien résoudre les problèmes dans l'ordre. Toi... eux... et ensuite ma tribu. J'ai déjà réfléchi à comment j'agencerai les corps dans le charnier que je compte construire.

Prenant un ton plus amical, en faisant référence à son oeil manquant, beaucoup plus douce elle demanda :

- A quel moment on s'habitue ? ... tu sais. Je n'apprécie pas les distances comme avant, j'ai mal à la tête, j'ai mal partout. Je fais tout tomber, et quand je combats, tout ce qui est à ma gauche, je vois rien. Tu sais comment c'est décontenançant pour une guerrière ?

Elle lui présenta sa cicatrice récemment cautérisée sur son épaule gauche.

- J'aurais pu l'esquiver, c'était facile, mais avec des distances faussées et du noir total dans mon champ de vision... ça m'est passé à travers l'os.

Puis, elle s'assied et but dans son verre, avant d'approcher l'autre verre des lèvres de la jeune femme, et lui fit ensuite un bisou maternel sur le front suivi d'un sourire narquois.

- Profite, tu en auras besoin.

Elle alla ensuite vers l'âtre de la pièce et commença à jeter des bûches dedans, patiemment. Elle commença à allumer le feu, sans rien dire, gardant un oeil sur la jeune femme, mais prenant tout son temps, un peu comme si elle préparait un barbecue. Du whisky, de la bonne humeur, et du temps. Elles allaient avoir toute la nuit et plus encore.

Plusieurs mois, hein. Signe allait pas survivre plusieurs mois avec autant de désavantages au combat. La Valkyrie fit chauffer un fer lorsque le feu prit, avant de revenir vers la jeune femme, qui avait fait tomber son pantalon. Signe ne le mentionna pas et s'assied face à elle, pensive.

Elle n'arrivait pas à avoir envie de se venger. L'image qu'elle s'était construire était celle d'une hystérique démoniaque, c'était ça qu'elle voulait massacrer, et elle avait en face d'elle une gamine perdue qui ne dégageait rien. Elle sauta, la saisit par ses bras, la fixa dans les yeux. Elle n'arrivait en effet pas à la détester.

Elle se rassied en face d'elle et lui posa la question :

- Pourquoi tu m'as fait ça ? Je n'ai pas choisi à être là, je ne méritais pas d'être pendue, ni humiliée de la sorte. Pourquoi ? Es-tu tarée, ou c'est de ton plein gré ? Il faut que je sache.

Se resservant un verre, elle le but, plus rapidement que le précédent. La laissant parler, elle se saisit de ses vêtements, et les déchira en deux. Elle déchira tout pour pouvoir lui enlever ce qu'il fallait sans la détacher, lui laissant juste sa culotte et ses collants.

- Qu'est-ce qui t'es passé par la tête ? J'arrive pas à comprendre. Explique-moi, petite Corine.

Elle prit un air amical, lui caressa les épaules, la fixant droit dans les yeux (dans l'oeil, en l'occurence). Un ton hautain, concerné, presque maternel. Elle essayait de trouver la moindre des raisons de lui faire payer cher. Ses ongles se plantèrent dans la peau de la jeune femme et elle la griffa, profondément, jusqu'au sang. Des deux mains, le long de ses deux bras. Evidemment, la main sans ongles ne lui faisait pas mal, mais l'autre traversait sa chair avec les ongles. Mais elle voulait la voir réagir. Son coeur battait très vite, et la chaleur du brasier qu'elle avait lancé commençait à chauffer la pièce.

Elle passa ses mains sur son corps, monta sur son visage, caressa sa tête et ses joues, passant son doigt sur ses lèvres.

- Tu m'as terrorisée, moi. Mais toi, tu n'as pas peur de moi, n'est-ce pas ?

Elle avait fait ça de son plein gré. Car elle avait eu mal et avait beaucoup souffert. Elle s'était certainement sentie trahie. Signe compatissait avec ça. Ca fait mal, d'être trahie. Ca fait mal, de perdre un oeil. Les deux borgnes étaient très proches, finalement.

Dans le regard de Corine elle parvenait à discerner une pointe de peur. Elle avait peur du fer en train de chauffer. Signe la vit essayer de changer de conversation. Parler de O'Malley.

- Elle s'en est sortie, elle a vite récupéré de ses brûlures qui furent superficielles. Ils lui servaient un sort probablement bien plus dégueulasse que l'arrachage des plumes. C'est pourquoi je tiens tout particulièrement à leur faire regretter d'avoir eu cette idée. Elle s'est bien occupée de moi, et encore maintenant. C'est une fille bien.

Après avoir expliqué la situation, elle retira son collier autour de son cou, celui qui avait un pendentif de la forme d'un S. Elle fit des moulinets avec et eut un sourire chaleureux, puis le posa sur la table, quand celle-ci lui demanda si elle la trouvait mignonne.

- Très mignonne, tu me fais craquer. C'est peut être cette petite bouille, cette petite bouche, qui va te sauver, qui sait ? Si tu sais t'en servir.

Son regard se glaça ensuite. Elle revint près de Corine et détacha ses mains de la chaise avant de les rattacher derrière son dos, gardant ses chevilles attachées à la lourde chaise. Approchant son visage de son oreille, elle lui dit :

- Si tu me montres que tu es capables de douceur, alors je serai capable de douceur aussi. Mais en es-tu capable ? Donner de la douceur au corps qui a satisfait celui d'Ema ?

Un vague sourire la prit alors que, sans demander, elle souleva Corine de sa chaise et la mit à genoux face à celle-ci, se plaçant dessous elle. Ses chevilles étaient toujours attachées aux pied de la chaise. Corine était donc affalée sur Signe assise parterre, qui la serra contre elle pour éviter qu'elle ne tombe.

Très inattendu. Toutes ses protections se brisèrent d'un coup et des flammes jaillirent. Merde, Signe perdait son avantage. Son plan de montrer ses seins n'avait pas réussi ! C'était probablement dû au fait que ça marchait plutôt sur les hommes ?

La femme de feu se mit à l'attaquer sur ça. Signe se releva, habilement, et se rhabilla. Et elle la traita de pute. Cela ne la toucha pas. En tout cas c'était ce qu'elle voulait croire. Corine s'assied sur sa chaise, et l'attaqua encore. Signe se mit droite, passa ses mains derrière son dos. Elle restait droite.

- Sais-tu pourquoi mon père a été trahi ?

Elle poursuivit.

- Parce que quand quelqu'un lui faisait défaut, il ne le crucifiait pas. Il lui donnait une deuxième chance. Il cherchait à les comprendre, et il les réintégrait dans ses rangs avec une tape dans le dos et un sourire. C'est ce que font les gens suffisamment forts pour prendre le risque de se faire planter dans le dos. Tu pourras dire "il a été faible". Combien de tribus survivent en crucifiant tout sur leur passage, et combien survivent en se battant pour que chaque homme donne le meilleur de lui-même ? As-tu déjà parcouru le Reike ? Les gens sont souvent mieux nourris lorsqu'ils chassent sainement plutôt qu'à gaspiller leur énergie à ériger des croix.

Elle marcha doucement, perpendiculairement à la ligne de visée de Corine.

- Je n'avais jamais eu l'intention de te tuer. J'ai douté, c'est vrai. Mais en te voyant, j'ai pris ma décision. Si je voulais, ça aurait été fait. Combien de personnes j'ai tuées ? Et combien de morts m'ont permis à avancer réellement dans ma vie ? Taper dans une petite fille à l'agonie, peu importe ce qu'elle m'a fait, quel grandeur en aurais-je tiré ? Quel honneur ? Quelle joie ? Rien comparé à l'espoir de te voir sourire à nouveau, car là, j'aurai accompli l'impossible.

Elle la fixa de son oeil valide, avec un regard sombre.

- Si tu choisis de me tuer, alors je te laisserai dire à Ema que j'ai cherché à t'étriper, que tu t'es tirée de justesse de mes griffes, et que tu as réussi dans un élan de grâce à m'achever. Peut-être qu'elle te croira. Peut-être pas. Je m'en fous, je serai morte. Plus mon problème. Mais tu paieras chaque seconde de ta vie le poids de tout ça sur tes épaules. Ce n'est pas une menace, ni un avertissement. C'est une prédiction.

Avant de finir son verre de whisky, où elle dit :

- Ce monde fout le camp, Corine. Des chefs de guerre qui mettront ces terres à feu et à sang, qui réduiront en esclavage femmes et enfants. Des Valkyries sanguinaires sur leurs montures d'argent qui tueront des gens comme toi, à genoux en ligne, une par une, sans aucune distinction, jusqu'à ce que les têtes de villes entières soient désolidarisées de leur corps originel. Et à ce moment là, accroupie les mains attachée dans le dos, à côté de ta fille, tu l'entendras te demander "mais où est la Valkyrie qui me tendra la main plutôt que l'épée ?"

Elle fit un signe de la main pour illustrer tout ça, avant de dire :

- Elle aura disparu, elle et tous les gens qu'elle aurait inspiré dans sa quête. Ou pire encore, elle serait à la tête de cet escadron de la mort, et la seule chose que tu l'entendras dire ce sera "mais donnez-moi une lame mieux aiguisée !"

Elle s'approcha de Corine, d'assez près, la fixant dans les yeux :

- Je ne me prétends pas être cette une Valkyrie qui sauvera le monde. Mais je suis différente. Une traîtresse à la race, c'est ça que tu veux que je sois ? On ne m'a pas élevée à protéger une impératrice consanguine qui croupit dans une cage et qui me servirait de mère de substitution. Ou du moins, j'ai refusé cette éducation. Je vaux mieux que ça.

Signe s'assied en face d'elle et lui dit :

- Ce n'était pas un corps que je voulais t'offrir. Mais de la chaleur humaine. Pas des flammes qui brûlent et consument, mais des flammes qui soignent et qui apaisent.

Elle lui tendit sa gauche qui se mit à luire d'une lumière glacée. C'était sa magie de guérison par le froid, qui guérissait également les tourments de l'âme et de l'esprit.

- Si tu ne veux pas de ma chaleur, alors prend le froid qui brûle en moi. La toundra glacée de Nordia apaise les coeurs et annihilent le moindre des tourments. Tu ne veux pas essayer ? Tu verras les choses plus clair une fois que le blizzard verra en toi.

Son offre ne fut pas acceptée comme elle voulait. Elle fut corrigée d'un coup de pied, ce qui fit évaporer la flamme. Elle se foutait de ce qu'avait dit la Valkyrie. Elle voulait en découdre avec elle.

Chercherait-elle une rédemption dans la vengeance de la Valkyrie ? Signe comprenait sa frustration, dans ce cas. L'oiseau apparut, la scrutant elle aussi. Et elle se fit menacer d'humiliation publique. L'idée ne lui plaisait pas, et elle savait que cette tarée allait s'y tenir.

Son discours aurait charmé plus d'un soldat, mais ça ne faisait pas effet sur cette gamine. Signe ne savait pas comment parler à cette chose. Elle était monstrueuse, vindicative. Mauvaise. Et là où son père lui avait soufflé son logos à l'oreille, elle entendit le rire de son oncle Joel lui parler à l'autre oreille.

"Tu sais ma petite, en général ce genre de trucs, tu peux leur parler si tu te sens seule mais pas avant qu'ils aient commencé à flamber."

Je ne peux pas la brûler. Elle est faite de feu, putain.

"Tu as peur du feu, des flammes, des insectes... être bon, c'est ce que permet un roi face à ses sujets. Un rat face aux flammes qui refuse de l'attaquer, il n'est pas "bon", c'est juste une merde".

La Valkyrie fut prise d'un rire aïgu. La voix ne cessait de lui dire quoi faire dans sa tête.

"Tu peux le faire, Signe. Si tu hésites, tu meurs."

Signe soupira, prenant ses distances face à la femme de feu. Elle s'éloignait dans l'obscurité, là où les flammes ne luisaient plus.

- La vengeance est un jeu d'idiots.

Et je n'ai pas réputation d'intelligences ces temps-ci.

Un long silence vint ajouter du poids à cette atmosphère déjà pesante. L'oeil de la Valkyrie semblait tout de même briller dans la nuit, on pouvait y apercevoir sa silhouette, en plissant l'oeil. Au-dessus d'elle, une marmite gigantesque, que Corine ne voyait pas, ni ne soupçonnait d'où elle était. Un mouvement brusque de sa part, un bruit de chaîne qui se tire, et la marmite bascula, déversant son contenu sur elle. Simplement de l'eau.

Une figure monstrueuse déchira l'obscurité, deux silhouettes de grandes ailes, qui pour le coup disparurent dans un mouvement. Aussi silencieuse qu'elle put, elle tenta d'attaquer la jeune femme par son angle mort, esquivant les flammes, et, prenant son appui contre un mur, s'alignant sur sa cible, elle fondit sur elle, protégée par son aile déjà blessée, et au dernier moment fut un puissant mouvement rotatoire, telle une tornade, lui assénant un solide coup de chaîne sur la tempe. Si le coup ne portait pas, son deuxième bras suivait avec un mouchoir imbibé de somnifère, et celui-ci irait se poser délicatement sur le visage de la jeune femme (délicatement sans compter la rotation rapide de la femme ailée).

Ainsi trempée, usant de toute sa rapidité et de son agilité, elle s'attendait à se prendre un retour de flamme qu'elle pourrait minimiser comme elle put. Mais elle n'avait pas hésité. Elle fut silencieuse comme la nuit qui tombe dans son opération.

Signe fut surprise de voir que la cécité de la jeune femme... n'avait fait que l'énerver davantage. C'était très audacieux de sa part de dire qu'elle avait gagné alors que la Valkyrie lui avait crevé son oeil.

Elle semblait vraiment fière. Les chaînes sautèrent. Un coup de pression pour Signe. Elle en avait déjà assez fait, si c'était pour la voir invoquer des flammes dans les minutes, mieux valait se barrer aussi vite. Elle reconnut le loup qui lui avait sauvé la vie, celui-ci était bien plus hostile à présent et lui barrait le passage.

Corine vannait Signe alors que cette dernière tentait d'échapper à sa vue. C'était une proposition. Signe lança froidement :

- Parfait, je vous engage. Combien ça coûte pour détruire le clan ? J'imagine que tu travaille pas à l'oeil.

D'un pas rapide, la Valkyrie se dirigea vers un autre coin de la pièce. Le loup la voyait et pouvait communiquer sa position à Signe. Se saississant de différents objets, voltigeant en utilisant ses ailes, la Valkyrie jetait les objets partout dans la pièce pour décontentrer l'aveugle.

Si elle se déplaçait avec une vitesse suffisante, si elle parvenait à avoir une seconde d'inattention, la Valkyrie passerait à l'attaque.

Et elle le fit, attaquant la jeune femme dans un angle mort. Le loup allait surement la défendre en s'interposant, alors la Valkyrie l'éventrerait sans la moindre pitié. Elle prépara son coup soigneusement, et brandit son épée lumineuse Claimh Solais dans ce sens : le chien crevé, elle pourrait se barrer sans problème, alors c'était son objectif premier.

Son but n'était pas de tuer Corine, mais si l'attaque n'atteindrait pas le loup pour une autre raison, un solide coup avec le pommeau à la tête renverrait Corine très loin au pays des songes.

La Valkyrie était fatiguée et ses ailes avaient drainé une grande partie de son énergie magique déjà, ce qui la forçait à se battre comme une bête tant qu'il lui en restait. Elle voulait s'échapper très loin à présent, mais ces deux créatures étaient retorses, alors il lui fallait créer l'ouverture. En alignant des assauts répétés, en feignant sa position, et en harcelant sa cible, la Valkyrie pensait pouvoir créer suffisamment de chaos pour s'en sortir.

Si il ne lui restait plus énormément de mana et qu'aucune ouverture ne serait trouvée, alors la Valkyrie deviendrait bien moins magnanime. Difficile de rester digne et honnête quand sa vie est en danger. Et Signe n'avait pas peur de manger des corps humains en cas de disette. Tuer un cabot ne lui ferait aucun mal, tuer cette gamine l'emmerderait quant à ses plans mais était une option parfaitement envisageable.

Dans son immense bêtise, la Valkyrie avait attaqué l' élémentaire à l'épée. Comme celui-ci l'avait portée fut un temps elle avait pensé qu'il était un peu matériel, genre un chien qui faisait de la magie. Rien à voir, Signe fut projetée et choquée au sol et son épée vola en l'air. Son souffle se coupa, et davantage quand la jeune aveugle fut sur elle en train de l'étrangler. Encore convulsante, tout devint noir et elle se calma, son corps convulsant toutefois encore un peu alors qu'elle fut maladroitement attachée sur le chaise.

Lorsqu'elle reprit connaissance, elle vit deux formes dans l'obscurité. Un petite fille et Corine. Sa main était froide, Corine l'avait attachée avec énormément de force. Se débattant en silence, tentant de garder les yeux fermés elle se rendit compte que ce noeud n'était pas très bien fait. Il ne fallut qu'un mouvement pour que la corde doucement sur le sol.

Le loup gardait toujours la sortie. Signe n'était pas sortie de l'auberge. Au sens littéral du terme puisque c'était une ancienne auberge souterraine. Elle crut entendre que Ema et Myrrh s'étaient perdues. Là, ça allait être beaucoup moins drôle. Il fallait s'échapper au plus vite, mais le loup la traquerait... et Corine était libre.

Son cou lui faisait mal, aussi. La Valkyrie décida alors de prendre la parole, d'une voix douce :

- Corine ?

Elle fit planer un long silence.

- J'ai rien voulu de tout ça. Je voulais juste améliorer ma relation avec toi. J'avais promis à Ema de ne pas te tuer, j'aurais pu même te pardonner avec du temps, mais tu as sans cesse cherché à me pousser à le faire. J'ai conscience que je t'ai fait du mal, si j'avais su je ne l'aurais jamais fait. J'imagine que si ta haine grandit encore tu finiras tôt ou tard par me tuer. Et ensuite... ? Un jour tu tomberas sur quelqu'un de plus fort que toi. Et tu laisseras ta fille et ton amie seule. Juste parce que tu n'as pas su te contrôler. Je pense qu'il y a une bonne raison à pourquoi la vie m'a mise sur ton chemin, Corine. Pour t'éviter de faire l'erreur de trop.

Dans un soupir elle dit :

- Laisse-moi partir. Tu n'as rien à gagner à me garder ici, me torturer voire me tuer. Si j'ai pris le risque de venir régler ces affaires avec toi, c'est bien parce que je savais que j'avais plus à perdre que toi quoiqu'il arrive. Je voulais simplement arranger les choses.

Elle termina, sans penser à mal elle dit :

- Si tu me laisses partir, je te promets disparaître de ta vue à jamais.

Corine se montra plus douce... contre toute attente. Elle lui proposa... de boire une bière ? C'était à se geler le sang. Signe la douce elle-même n'aurait pas pu réagir avec autant peu d'amertume. Dans tous les cas, elle n'allait rien faire.

A tous les coups même la petite fille était un dragon ancestral surpuissant sans que Signe ne s'en soit rendu compte. Pas jouer la stupide, c'était noté. Tout semblait bien se dérouler jusqu'à maintenant, alors elle allait la jouer cool.

- Je sais pas trop quoi dire. Si je t'ai kidnappée c'était parce que je voulais ce que tu ressentes ce sentiment d'impuissance que j'ai ressenti l'autre jour. Que tu te rendes compte. L'action est plus formateur que les mots. C'est difficile, je me sens honteuse d'être allée aussi loin.

Elle soupira.

- Ce serait hypocrite de ma part de te réconforter sur ta vision. On est... quittes. Je sais pas. Les yeux fermés on apprend à voir ce que les autres ne voient pas, ce n'est pas la fin. Je connais une tribu du Reike composés de moines aveugles qui voyaient ce que les autres ne voyaient pas, en plus de voir ce que les autres voyaient. Si tu me détaches je pourrai t'apaiser et t'éviter une infection. Je peux guérir les blessures, tu sais. Je ne te ferai pas de mal, soyons non hostiles.

Signe se rattacha discrètement pour le coup, attendant de voir

- Y a des caches d'alcool ici. Sous le bar, contre le mur près de la cheminée. On peut prendre ce que tu veux. Boire notre trêve ou à notre paix, c'est comme tu veux. Mon âme est apaisée.

Un peu inquiète, Signe lui dit :

- Cependant, j'ai cru comprendre que Ema était sur le chemin. Ca m'inquiète un peu, elle a toutes les raisons de me massacrer et la force de le faire. J'essaierai de fuir si je le peux au cas où elle m'attaquerait, mais sache qu'acculée je ne me laisserai pas faire. Je ne veux de mal à personne, ici. J'aimerais que tout se passe bien. Je te fais confiance et je te suivrai. Mais fais ce qu'il faut pour que cette heure se finisse bien... si je peux te le demander.

Signe passa sa main sur la blessure de Corine et doucement l'apaisa de sa main glacée. Elle utilisa de la magie

- Une femme sans remords ? Je ne sais pas. J'ai toujours plein de remords, moi. Même quand je suis gentille.

Lorsqu'Ema vint, Signe se fit toute petite. Le climat était calme alors la jeune femme ne s'énerva pas vraiment. Il y avait une aura de mélancolie qui planait dans l'air. Signe ressentit le froid de la mort s'abattre.

On lui proposa rapidement de l'alcool et elle accepta. Elles s'asseillèrent et Signe ne savait que dire. Signe but une gorgée. Délicieux whisky ! Et elle ne dit rien pendant un bout de temps avant de dire.

- Je n'ai plus de colère en moi. Je suis désolée pour tout ça. Je ne voulais pas lui faire de mal. Il faut que je parte maintenant. J'ai appris récemment que j'avais une soeur dont ma mère m'a caché l'existence, à l'ouest. Elle appartient à des esclavagistes. Une Valkyrie esclave... j'ai failli le devenir aussi. J'en ai perdu mon oeil et j'ai eu une elle déchirée en deux, et O'Malley a été crucifiée au soleil... c'est une vampire maintenant. Elle a survécu au prix de graves brûlures. Je dois la protéger. Et je dois sauver ma soeur. Je dois me racheter pour tout ce que j'ai fait.

Se décontractant un peu elle continua.

- Je doute que ma vie vous intéresse. Tant de choses qui se passent. Le temps passe, mais il y a beaucoup à voir. J'ai bien peur que je devrai vous fausser compagnie encore une fois. Je reviendrai, et on boiera un verre sous un jour plus beau. Les cryptes c'est un peu glauque.

Elle regarda Ema, puis Corine et dit :

- A moins que vous ayez d'autres plans pour moi ce soir.

Après tout, ça pouvait être un guet-apens bizarre. Elle eut un grand sourire et essaya de ne pas penser à de mauvaises choses. Elle ne lui étaient pas hostiles, et n'allaient pas l'être. Mais elle avait encore un peu peur.

- Désolée. répondit Signe. J'oublie parfois ce qu'est l'innocence. Je suis une Valkyrie.

Elle avait cessé de parler en voyant les réactions, avant d'hausser les épaules. Le loup disparut enfin et Signe vit ses espoirs s'améliorer. Elle ne voulut pas savoir ce qu'Ema avait préparé pour elle, car bientôt elle serait loin. Un peu émechée, la Valkyrie lui promit toutefois :

- Oui. On se reverra de toute façon. Je manquerai pas de venir la prochajne fois que je reviens à Liberty. On a beaucoup d'aventures à vivre ensemble.

Et quand je rentrerai, toi pas t'y attendre mais moi manier épée très vite, et toi avoir mauvaise surprise... La Valkyrie promit avec un grand sourire innocent. Dans un silence de marbre, comme lors d' une marche funèbre, elles partirent en silence.

Au coup de pied dr la petite, Signe luo caressa les cheveux avec en restant impassible, et les salua et disparut dans l'obscurité, pour finalement sortir des cryptes et arriver dehors au lever du soleil. Combien de temps avait-elle été sous le sol ? Trop de temps.

D'un pas rapide, encore dans la brume, elle appréciait la vie. Elle avait réussi. Elle avait pu atteindre Corine, apaiser son âme et en sortir vivante. C'était un jour merveilleux. Elle avait sécurisé un oeil d'avance sur la borgne - l'aveugle -, et elle avait pu rencontrer Ema sans se faire tuer. Même, partir après de tels faits horribles sans qu'elle ne lui en veuille à mort. C'était un cadeau du ciel. Qui lui disait de continuer à vivre et de grandir.

La rosée du matin tombait sur les rues, et les quelques chalands la regardaient marcher devant les marchands qui commençaient à ouvrir boutique. Signe écarta les bras, prise d'une euphorie frénétique, d'une extase insondable, elle entra en résonance avec les cieux et la terre, et elle hurla :

Spoiler:

Des regards se retournèrent vers elle et quelqu'un chuchota à son attention :

Spoiler:

Elle tremblait, et loua le soleil, écartant ses bras formant un Y avec son corps fin et élancé aux formes plantureuses.

Retournant dans l'auberge, elle réveilla Rubis et Shaporo qui dormaient.

- C'est l'heure. Barrons-nous de Liberty, et direction à l'ouest. Le désert nous attend, et ma soeur aussi.